Louis Gasté est né le 18 mars 1908 à Paris. Au milieu des années 20, il fait ses études dans divers collèges et lycée, mais grand désespoir de sa mère, le petit Louis n'arrive pas à se concentrer. En
effet, il n'aime qu'une seule chose la musique. Du matin au soir, il siffle
des airs à la mode et se prend de passion pour le rythme et la
mélodie. C'est à l'âge de 9 ans que le jeune garçon
connaît le choc déterminant de sa vie et de son parcours.
Le swing de ces sympathiques militaires mélomanes allait aussitôt résonner dans sa tête du jeune enfant, et chaque soir, il vivait dans l'attente de son rendez-vous nocturne privilégié et de ces moments de pure émotion. Un instrument, dont il ignorait le nom encore, le troublait plus que les autres D'où provenait le mystérieux " bing-bing " qui obsédait Loulou durant ces nuits ? Il le chercha longtemps et un beau jour, il comprit que ce son si particulier était celui du banjo. Dès lors, il acheta très vite ses premiers 78 tours, en particulier toutes les nouveautés venues d'Outre-Atlantique. Et bien sûr, il fit l'acquisition de vrai banjo, " son " banjo sur lequel il apprit les rudiments de chiffrage américain, l'étude de l'harmonie à l'aide de grilles, où des lettres et des chiffres étaient associés à des notes de musique. A partir de ce moment, il s'entraîna sans relâche, et n'eut de cesse de trouver des dizaines de thèmes qu'il travaillait jusqu'à les jouer parfaitement.
Ils deviennent célèbres du jour au lendemain, et donnent aussitôt des concerts dans toute l'Europe. Parmi les musiciens, citons le pianiste-compositeur Paul Misraki, Raymond Legrand (futur grand chef d'orchestre), Noël Chiboust, le chanteur Pierre Mingand, bientôt Jacques Hélian et notre Loulou Gasté, guitariste de L'orchestre qui participe également à l'écriture des musiques " Jazz ", puis des sketches et des chansons. Sans oublier les nombreuses séances d'enregistrements (il est à la guitare), d'abord chez Odéon (jusqu'à Octobre 1931), puis chez Decca (de décembre 1931 à janvier 1935) et enfin chez Pathé, dont le coup d'essai du 22 mai 1935, " Tout va très bien , Madame la Marquise ", est un coup de maître. Précisons ici que c'est Loulou qui, au cours d'un déjeuner avec Ventura et Misraki, va donner l'idée de la chanson. En
effet, tout allait mal pour l'orchestre à ce moment là et
les collégiens se demandaient bien ce qu'il allait devenir de l'orchestre
Inspiré par les mésaventures passagères de l'orchestre,
Loulou inventa spontanément une histoire de Lady rentrant de voyage
et à qui il arrive tous les malheurs du monde, avec la conclusion
que tout, finalement, va très bien ! Ainsi vont naître l'intrigue
et la chanson sketch. Grand Prix du Disque 1935, " La Marquise "
va être rééditée sur onze étiquettes
différentes au cours des années à venir et le petit
format se vendra à plus d'un million d'exemplaires ! Parmi les
chansons composées par Loulou pour l'orchestre de ray Ventura citons
" J'entends des voix " et " Amour et guitare ", dans
laquelle il nous offre un brillant solo de guitare. Il s'agit là
de sa toute première composition. Précisons enfin que Loulou
fait partie des tournages des deux films de Ray, " Feux de Joie "
en 1938 et " Tourbillon de Paris " en 1939.
Louis se retrouve seul. C'est à ce moment-là qu'il rencontre Lucienne Boyer, qui le prend sous son aile, et il devient, pendant un temps, son accompagnateur. Il compose parallèlement les premières chansons de Jacques Pills, mari de Lucienne, ainsi que d'autres, enregistrées par quelques-une des vedettes de l'époque. Outre
Jacques Pills " Elle était swing ", " Avec son ukulélé
" (1941), André Dassary " Il faisait trop dimanche "
(1941) et Tino Rossi " Le chant du gardian " (film "Le
soleil a toujours raison ", 1941) sont les premiers à le chanter.
Au
départ, c'est une manière d'interpréter la musique
de Jazz en la faisant " swinguer ", autrement dit balancer.
Le swing, apparu au départ chez les jazzmen français, conquiert
bientôt la chanson et tous les auteurs et chanteurs du moment chantent
" swing ". Cette
musique, qui évidemment est le signe de ralliement de toute cette
jeunesse " rebelle ", est donc du jazz, du moment que ça
" swingue ". Alors
que le pays règne dans une pagaille inimaginable (pénuries,
coupures de courant
), l'on préfère rêver à
des contrées lointaines, avec quelques incursions sous d'autres
cieux, notamment l'Amérique des pionniers, telle qu'elle se dessine
dans l'imaginaire hexagonal. Et
aide à la consécration d'un jeune débutant, Yves
Montand, qui lui aussi chante les plaines du Far West, en lui composant
" Luna Park " et " Battling Joe ", deux titres qu'il
chantera jusqu'à la fin de sa vie.
Tout le monde veut son porte-bonheur, on engage trois jeunes filles pour ouvrir le courrier et envoyer quelques 2000 enveloppes par jour. Du jamais vu ! Il renouvellera le succès du porte-bonheur (qui porte bien son nom !) pour Jacques Hélian avec la samba " Au Chili " (le titre N°1 quant aux droits d'auteur de l'année 1951), et une samba, " Les pompiers de Mexique " qui, on peut le dire, fera long feu. Et que reprendront moult artistes de l'époque, tels René Delauney ou Nini Cordy, future Annie Cordy, sur l'un de ses rarissimes 78 tours Magic, enregistré à Bruxelles en 1948. Sans oublier " La Chica Chica ", " Elle fait ci Elle fait ça " et autres " Samba Pampa " que se partageront toutes les vedettes de l'époque. Citons encore " Do et mi " pour Josette Daydé (1945) ; " Seule avec toi " enregistrée par l'actrice Gisèle Pascal (1945), " Sur la route de Paris " pour Marie Bizet, " Il aurait bien voulu " pour Lily Fayol et Lyne Clevers (1947), " Le voleur de Bagdad " pour André Dassary, " Les deux pigeons " et " Trois petits frères " (1948) pour Lisette Jambel, " Vel' d'Hiv " pour Yves Montand (1948), " Leïla " pour Patrice et Mario (1949), " Je t'aime tant " pour Eliane Dorsay (1950), " La fleur des cheveux " et " Qui veut mes rêves ? " pour Luis Mariano (1951), " La Parisienne " pour Miguel Amador, " Rio de Janeiro " pour Bébé Hong Suong, quelques morceaux de bravoure pour chanteurs à voix tels Armand Mestral et John William : " Du haut du Sacré-Cur ", " Jericho ", " La nuit sur la vallée" Sans oublier toutes les chansons que Loulou écrit et compose pour Line, et que toutes les grandes vedettes de l'époque mettent aussitôt à leur répertoire : Lucien Lupi et Armand Mestral " Ma cabane au Canada " (1948), Lucien Jeunesse et le Trio des quatre " Où vas-tu Basile ? " (1949), Guy Marly " Cent pour cent " (1950), Raymond Gurerd " Mon cur pleure pour vous " (1951), José Rossi " Son cur est amoureux " (1952), Charles Gentès " Printemps d'Alsace " (1954), Miguel Amador " Je ne sais pas " (1954) Citons enfin les noms des plus célèbres formations des années 50, qui n'oublieront pas d'inscrire un ou plusieurs titres de Loulou à leur répertoire :Dany Kane et ses Rythmes, Franck Pourcel et son Grand Orchestre à Cordes, Hubert Rostaing et son Orchestre, Henri Leca et son Ensemble Rythmique, Tony Murena et son Ensemble, Pierre Spiers et son Orchestre, Charles Bazin, Noël Chiboust et bien sûr Aimé Barelli et son Orchestre. Compositeur
de renom, Loulou doit également être cité ici comme
l'auteur de nombreux succès. Parmi ceux-ci, " Les plus jolies
choses de la vie ", " Le chien dans la vitrine ", "
Mister Banjo ", " Buena sera ", " J'ai vu maman embrasser
le Père Noël " ou encore " Dis ! Oh Dis " bientôt
reprise par Sacha Distel.
Toutes les chansons du film interprétées ici par Georges Guétary sont signées Loulou Gasté. Précisons ici que l'opérette avait pour têtes d'affiches Zappy Max et Miguel Amador, bientôt remplacés par Pierre Miguel. En 1946, Line Renaud flirte avec le cinéma. Elle apparaît une première fois dans le chef-d'uvre " La foire aux Chimères " (1946) dans le rôle d'une chanteuse de cabaret. Elle renouvelle l'expérience dès 1951, dans le film " Paris chante toujours " de Pierre Montazel, qui réunit toutes les grandes vedettes de la chanson de l'époque. Dans le rôle d'une gantière parisienne, elle interprète " Ni pourquoi, ni comment ", une chanson de Loulou absolument adorable. Puis dans " La route du bonheur "(1953) de Maurice Labro (même rassemblement du Music-Hall), Line interprète à nouveau une chanson de Loulou, " Le soir ". Précisons que dès 1951, elle est une actrice confirmée, puisqu'elle est la vedette du long-métrage " Ils sont dans les vignes " de Robert Vernay. Désormais, Loulou compose pour elle chacune des chansons qu'elle aura à interpréter devant les caméras. Dans ce dernier justement, Line interprète trois titres : " Le jupon de Lison ", " Soleil sur l'horizon " et " Mon p'tit bonhomme de chemin "
Ce film aura un très grand succès en France et sera diffusé dans 39 pays. La chanson, écrite par Albert Simonin et chantée dans le film de Dario Moreno, s'intitule "Pour toi ". Enregistrée chez Philips, elle connaîtra plusieurs tirages et sera reprise par différents artistes, dont Line Renaud et le Chef d'orchestre Christian Chevalier, qui en fait un disque de Prestige. Ils furent récompensés par le " Grand Prix International Stan Kenton " (célèbre musicien de jazz américain), qui vient en personne aux USA pour leur remettre le Prix. Toujours parmi les films, citons enfin " Mademoiselle et son gang " (1956) de Jean Boyer avec Line Renaud et Jean Carmet, et la chanson " Avec celui qu'on aime ", ainsi que " L'increvable "(1958) de Jean Boyer, avec Francis Blanche, Michel Galabru et Darry Cowl.
En 1973, Line revient définitivement en France et un nouveau spectacle est conçu, le " Line Renaud Las Vegas Show ", qui va partir en tournée dans toute la France pendant deux années entières. En 1976, afin de sauver le Casino de Paris menacé de fermeture définitive, Jean Bauchet décide de racheter l'établissement, mais à une seule condition : Line et Loulou doivent faire le spectacle de réouverture. Ils conçoivent donc le fil conducteur, les musiques et les chansons d'une nouvelle revue intitulée " Paris-Line ", dont la dernière, au bout de quatre ans, coïncidera avec l'anniversaire des trente ans de carrière de Line. L'air principal " Oui c'est ça la revue, un bouquet de bonheur " fera le tour du monde. Un succès tel, que la TV américaine HBO (Home Box Office) viendra filmer le spectacle, qui précisons-le, se jouera à guichets fermés entre 1976 et décembre 1979. "
Pour toi - Feelings " Tout semblerait aller pour le mieux mais une ombre vient soudain noircir le tableau. En effet, l'un des grand succès de Line composé par Loulou en 1957, " Pour toi ", vient d'être plagié par un chanteur américain. On
lui a volé sa chanson, note pour note, et le titre, rebaptisé
" Feelings ", est devenu un succès mondial ! En 1976, Loulou apprend que Mike Brant avait, avant qu'il ne décède, enregistré sa chanson " Pour toi ". Il se renseigne, et constate avec effroi que l'adaptation de "Feelings " avait été rebaptisé " Dis-lui " par Michel Jourdan pour le chanteur Mike Brant, qui, d'ailleurs, mourra peu de temps avant la sortie de son disque, autrement dit sans l'avoir jamais entendu. Loulou n'en peut plus. Il décide de faire rechercher le chanteur-compositeur brésilien M. Albert pur lui faire un procès mais celui-ci est évidemment introuvable. Ce n'est qu'au bout de trois ans de longues et laborieuses recherches que ce dernier est retrouvé, et le procès ne démarre qu'en juin 1981. Le soir du 27 octobre 1982, Loulou est opéré d'extrême urgence d'une rupture d'anévrisme. Les Professeurs Cormier et Lorian lui donnent une chance sur deux de survie. Fort heureusement, l'opération réussit et Loulou n'a plus besoin maintenant que d'une longue et tranquille convalescence.
Devant
tant de sympathie et d'amitié, Loulou reprend goût à
la vie. Il va mieux, et son inspiration musicale lui revient petit à
petit. Il compose une superbe chanson pour Julio Iglesias " Good
night my love ", " C'est un pianiste américain
" pour Yves Montand, " Le cur gitan " pour Frédéric
François et " Django " pour Line, un chef-d'uvre
absolu récemment enregistré par Line et aussitôt inclus
dans le coffret long box " Line ". Concernant la chanson " Django ", Loulou avait un peu de chagrin car Line ne souhaitait pas en faire un disque. En effet, elle avait décidé depuis l'émission TV, de tirer un trait sur sa carrière au Music-Hall au profit de celle de comédienne de théâtre et d'actrice de cinéma et de télévision. " Si je me suis trompée, lui dira-t-elle, je ferais mon mea culpa. " Mais Loulou a très vite vu son succès dans " Folle Amanda ", " Pleins feux ", " Les filles du Lido ", et surtout " J'ai pas sommeil " de Claire Denis, film pour lequel Line a été nommée pour un Oscar Et il en était très fier. " Tu as bien fait, lui avoua-t-il, c'est moi qui me suis trompé. " Le 11 juillet 1987, une excellente nouvelle vient récompenser les nombreux efforts de Loulou et de Line, puisqu'à l'unanimité du jury, Loulou est reconnu comme étant le seul et l'unique compositeur de la chanson " Pour toi - Feelings ". Les coupables tentent de faire appel, mais ils perdront à nouveau. En effet, le 22 décembre 1988, Loulou gagne définitivement son procès et devant le monde entier, il est reconnu comme le compositeur légitime de sa chanson. En 1990, Loulou Gasté enregistre en ultime disque, un CD 2 titres comportant la toute première chanson qu'il ait composée, " Elle était swing " et la dernière en date, " Un pianiste américain ". 50 ans et 1100 autres chansons séparent ces deux titres, mais la modernité de chacune d'elles est véritablement étonnante. Quel
phrasé ! Quel swing ! Il a 82 ans et c'est d'ailleurs la première
fois qu'il chante !
|
|||||||||||||||